Le sentiment d'injustice
Il y a un combat perpétuel en moi-même.....ce paradoxe, comme le disait Muriel, que la vie peut aussi bien être cruelle que généreuse...
Pourquoi Anaïs est-elle tombée malade ? Pourquoi est-ce un des cancer les plus mortel qui soit, qui lui est tombé dessus ?
Je n'en "veux" pas à la vie de sa maladie...il y a bien longtemps que je me dis qu'il n'est pas plus juste de tomber malade à 0, 10 ou 70 ans....la vie est faite ainsi, on tombe malade à tout âge.
Ce que je trouve injuste, c'est que face à une même maladie nous n'avons pas les mêmes chances....qu'est ce qui fait que certains s'en sortent et d'autres non ? c'est une loterie, une saleté de loterie où nous n'avons que peu d'influence.
Je trouve injuste que la vie ai " laissé tomber" Anaïs après ce combat sans faille qu'elle a mené....elle aurait vraiment mérité d'avoir la chance de s'en sortir.
Et parfois je me dis "pourquoi ?", quelle vie aurait-elle eu après tous les traitements qu'elle a du supporter ?
Elle n'aurait certainement pas pu avoir d'enfant et en aurait souffert, elle qui en voulait 3 et avait déjà choisi les prénoms.
Elle avait toute la malchance de developper un jour un autre cancer ou de vivre avec des séquelles des chimios.....mais tout ça, c'est sans doute une façon de me rassurer, de me dire que sa vie n'aurait pas été simple.
Elle m'aurait surement dit " je l'accepte ma vie, maman, parce que c'est la seule qu'on me donne", comme elle me l'a dit auparavant.
Quand j'ai appris la mort de Lenny et de Pauline 10 jours après Nana ( 2 enfants atteints du neuroblastome eux aussi) je me suis dit " il y a une justice"....c'est moche d'avoir pensé ça, mais c'était plus fort que moi, j'aurais trouvé encore plus injuste que certains vivent alors qu'ils ont eu le même parcours, les même traitements qu'Anaïs.....
Depuis mon sentiment n'est plus le même. Je suis l'histoire d'autres enfants que je connais depuis un petit moment...et malheureusement, la maladie s'acharne sur eux-aussi. Alors qu'on aurait pu penser que les traitements allaient marcher, que la rémission semblait "tenir" dans le temps......et non, le neuroblastome repasse à l'attaque, jusqu'à ce que toutes les solutions thérapeutiques soient épuisées.
Ce sont tous des enfants "en rechute", il semblerait que lorsque le neuroblastome résiste dans le temps et stagne, les chances de survie soient meilleures; ou lorsque la récidive n'est que locale.
Bref, dans le cas d'Anaïs, je me dis que quelque part c'était perdu d'avance, la médecine a beau avoir fait des progrés, trouvé des traitements qui, il y a quelques années, n'existaient pas encore, ça ne suffit pas....on nous avait prévenu, mainte et mainte fois, " les chances sont vraiment minimes, quasi nulles ".
Et heureusement que nous avons pris le parti d'y croire quand même, sinon, nous n'aurions pas vécu tant de chose avec nos pepettes.
Je me dis aussi que dans ce malheur que nous avons vécu, et vivons encore, la vie nous a quand même permis d'avoir "du temps", de dire ce qu'on avait à dire et de réaliser la plupart des rêves d'Anaïs, de partager des moments d'une grande intensité.
Beaucoup de parents n'ont pas cette chance et perdent leur enfant de façon brutale, par accident, enlèvement ou autres...ils n'ont pas pu dire "au revoir"...doivent non seuleument apprendre à vivre avec le manque mais aussi avec la frustration et les regrets de choses inachevées.
Je suis triste, très triste, parfois desespérément triste mais aussi tellement riche de tout ce que nous avons vécu.